Dans ton parcours, tu as eu à te démener de choses lourdes

 

Il faut en vouloir, c’est à toi de choisir, de dire stop. Mais moi, j’ai eu maintes et maintes occasions, c’est pas qu’une ou 2 fois...


J’étais toxicomane, je suis sorti de la toxicomanie, pour rentrer dans l’alcool. Et là l’alcool, j’y suis resté aussi un bon bout de temps.
Et avec l’alcool, c’était alcool-prison, prison-alcool.

J’ai dit : il faut que j’arrête sinon… et j’ai décidé d’arrêter en prison, j’ai dit stop !
Cette fois je sors, je ne bois plus, celui qui m’offre à boire, c’est qu’il ne m’aime pas.


Dès que je suis sorti, j’ai parlé avec les amis, avec qui je picolais avant d’entrer au ballon :

« Voilà, j’arrête de boire, celui qui m’offre à boire, c’est qu’il m’aime pas et il y aura bagarre. »

En fin de compte, ils ont tous respecté ça et j’ai tenu ma parole, par rapport à moi-même et voilà ça a tenu.

 

J’ai perdu, 10,15 ou 20 ans de ma vie, dans les drogues et les alcools, alors que j’aurais pu les passer autrement, mais je m’en sors très bien et je me dis, c’est mon expérience. Fallait que je passe comme ça, pour pouvoir comprendre.

Par mon parcours, y’en a ils sont morts, y’en a ils sont plus là, ou encore là, mais ils sont devenus fous. Moi, j’ai encore la tête sur les épaules, j’ai encore ma santé, alors je m’en sors très bien en vérité.

Chaotique, mais maintenant ça va. Ça fait que maintenant le chaos, je l’ai vécu, je peux plus y retourner, je sais comment c’est, comment ça se passe.

 

Quand j’en vois maintenant certains passer avec des seringues,
je me dis « et dire le temps qu’ils comprennent que c’est que du vent tout ça ».
Mais il faut qu’ils le vivent eux même. C’est pas moi, en venant leur dire,
« j’étais comme toi, regarde, j’ai arrêté, viens, arrête ».
C’est pas comme ça que ça se passe.
Le mec, il faut que ce soit de lui-même, qu’il se dise,
« j’ai plus envie de défonce,
j’ai plus envie de me mettre mal,
j’ai plus envie de me shooter,
j’ai plus envie de m’envoyer des seringues partout dans les bras, dans les jambes, dans le cou, dans la langue, dans les yeux, pour envoyer une dose ».

Voilà, il faut avoir le dégoût de ça.

Le dégoût de ça.

 

Y a le dégout qui donne la volonté, dégoût de plus pouvoir te piquer. Toutes tes veines sont sclérosées, elles sont mortes, t’as plus de place, tu sais plus comment faire, il faut que tu demandes à un copain qu’il vienne te piquer, parce que toi, t’y arrives plus, t’as la tremblote. Y a plein de choses...

C’est plus l’envie d’arrêter toute cette merde, par rapport à ma vie, par rapport à la came, marre de me piquer, marre de plus trouver de veine pour envoyer la sauce.
L’alcool : tous les jours me lever bourré, me réveiller bourré, me coucher bourré. Dormir dans les trains, dans les commissariats, dormir en prison. Se réveiller, se demander qu’est-ce que je fais là, ah ben tu t’es embrouillé, voilà, encore les histoires de comptoir, de bagarres, de violence par rapport à l’alcool.
J’ai dit bon « stop, il faut que j’arrête tout ça. Faut que j’arrête la came, faut que j’arrête l’alcool. »

Ça a commencé tout doucement. Je buvais plus, ce qui fait que j’avais tout le temps le cerveau clair, net.
J’étais à la rue, il faut que je trouve un appart, ça a commencé par les foyers. Après les demandes de logements et la patience. Et après l’appart est arrivé au bout de 3 ans ou 4.

 


 

Gradignan un jour ou l’autre tu passes par là-bas. Après c’est dans les âges de la vingtaine, c’est là où tu y vas. Après à 40 balais, tu as dépassé tout ça. Moi, je pense que j’ai dépassé tout ça.


Tu as une idée du pourquoi, beaucoup de jeunes passent par la case prison ?


Maintenant, ça fait plus peur. Les prisons d’Europe se sont pas des prisons, c’est des colonies de vacances. Tu y vas, tu retrouves d’autres jeunes beurs, le voleur, le casseur, le pointeur, le machin, patin couffin.


Ce n’est pas du tout de la prison, tu as une cellule propre, un lit propre, un lavabo propre, la gamelle elle arrive, elle est nickel, qu’est-ce que tu veux faire peur aux gens, bien au contraire. Ils se disent, je pars en vacances un an ou deux, c’est rien du tout.
Je vais aller me poser un an, surtout s’il est en galère dehors, s’il est en train de se droguer, de se défoncer, être mal, s’il est mal dans sa vie. Bien au contraire.


Quand je sortirai, les autres vont me donner du respect, alors que c’est faux.

Mais ça aide, ça aide aussi, moi ça m’a aidé.

Je suis rentré 5-6 fois. Pas de parloirs, pas de mandat, mais toutes mes prisons, je me les suis faites carotte. Et les deux dernières fois même, je suis resté tout seul dans ma cellule, j’ai demandé à rester seul, je ne voulais personne. Moi j’étais tranquille, j’avais ma télé, j’allais à l’atelier.

La prison, c’est un endroit où celui qui a jamais appris à faire pic pocket, il apprend à faire pic pocket, celui qui a jamais cassé des voitures, celui qui a jamais dealer, il apprend.

 

J’ai connu la prison, par les parloirs, par mon grand frère. La 1ère fois, que j’ai connu la prison, c’est quand je suis rentré dans ce parloir de la grande maison pour voir mon frère, et que les portes se fermaient derrière moi, je me disais « P….heureusement que je suis pas en prison, heureusement, je viens juste pour un parloir » et ça m’a fait peur.

Mais après quand tu y vas plusieurs fois au parloir, il parle tranquille au surveillant…... Ça y est t’as l’habitude, ça fait que j’en avais plus peur.


Après la 1ère fois quand j’ai pris 2 mois, c’est comme si j’étais à la maison, je connaissais l’entrée, je connaissais tout. J’ai fait mes 2 mois, je suis sorti tranquille. Pas du tout peur. Ici la prison, c’est royal.

C’est une autre école, y’a l’école, le LEP, la Fac et la prison.

C’est une école de la vie.