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Je me souviens...


J'ai rencontré des éducateurs à Lormont, j'ai pu connaitre Virginia, c'était vers 92-94, à peu près j'avais 22-23 ans. D'abord j'ai croisé Jean Marc, il m'avait demandé ce que je faisais dans la vie ; je lui ai expliqué ce que je voulais faire : je voulais travailler dans le domaine de la menuiserie, je travaillais déjà, mais je voulais me perfectionner un peu, je lui avais dit les difficultés que je rencontrais, c'est là qu'il m'a dit que vous aidiez justement les jeunes à se réinsérer.


Je suis allé les voir à la tour les Cimes, ils ont vu que j'avais des difficultés scolaires, je leur ai raconté mon parcours. Du coup, ils m'ont accompagné à l'Abbé de l'épée, je m'en rappelle toujours, à la philomathique pour faire des cours du soir. Pendant un an, j'y suis allé tous les soirs, on se voyait toutes les semaines ou tous les quinze jours, avec Jean Marc pour voir mon évolution.


J'avais un problème de ne pas trouver un travail dû à la discrimination, c'est ça qui m'a fait aller là-bas, sachant que si je n'étais pas accompagné, je n'y arriverai pas. C'est pas que j'étais pas autonome, mais c'était pour m'encourager et il y avait une bonne ambiance. Il y avait de l'évolution, on me racontait pas n'importe quoi, j'étais pris au sérieux. Je me suis dit lance toi, tu n'as rien à perdre, s'il y a des gens qui t'accompagnent pourquoi pas.


J'ai commencé à faire des stages, à travailler en intérim.


L'indifférence


Ce qui m'a bloqué le plus, c'est l'indifférence des gens. Déjà à 4-5 ans, non à 7 ans, j'étais en primaire, là souvent mon père venait me chercher à l'école, parce que ma mère, ne parlait pas du-tout le français, mon père parlait très peu, mais, il venait me chercher. J'avais souvent des copains européens, je revois une dame blonde qui était avec son fils, elle lui faisait des gestes : « lui non ! », l'air de dire ne va pas avec cette personne-là. A 7-8 ans on ne comprend pas, c'est au fil du temps en grandissant, c'est de là que j'ai assimilé le racisme, quand j'avais 7 ans. Ca, ça m'a beaucoup choqué.


Vous n'avez pas le profil


Ce qui m'a choqué, c'est en 98, j'étais en contact avec l'ANPE et comme je cherchais dans le domaine du transport, je voulais passer le transport en commun avec un chèque de qualification, il fallait avoir un an de chômage pour y avoir droit, la conseillère ANPE a regardé et m'a dit que je n'avais pas plus d'un an de chômage donc que je ne pourrai pas avoir le chèque de qualification avec un sourire l'air de dire « Ben tu vois t'y a pas droit », j'ai insisté « vous êtes sûre madame ?» « Oui, je suis sûre ». J'avais de la chance, car je connaissais un peu de monde quand même, j'ai demandé à une personne qui travaillait au Conseil Général, elle s'est renseignée et m'a rappelé en me disant que j'y avais droit. Je suis retourné à l'ANPE, voir cette dame et je lui ai un peu menti en disant que je m'étais renseigné auprès d'une personne de l'ANPE, du coup elle a vérifié et a dit qu'elle s'était trompée. Ça a commencé là.


J'ai eu 6.500 francs et je me suis inscrit, j'ai eu le plateau, la première partie du permis et là l'ANPE m'appelle et me dit que la CGFTE recrute 40 chauffeurs. Une rencontre collective et un entretien individuel. Le directeur m'a dit « y'a pas de souci pour votre embauche si vous avez le permis, c'est super... » Je m'y voyais déjà moi ! 15 jours après on était 3 chauffeurs à l'examen et j'étais le seul à l'avoir. J'ai écrit un courrier et j'ai eu un rendez-vous, j'étais bien habillé, respectueux, poli, tout ça...et je vois cette personne, il me dit « : « C'est vrai, je vous ai dit oui, mais vous n'avez pas le profil ».


Une question : qu'est-ce que vous appelez le profil Monsieur ? « Vous n'avez pas l'air d'aimer ce métier », « Je ne pourrai pas vous embaucher, essayez d'autres entreprises ! ».
Merci, au revoir.
De suite, je suis parti à l'ANPE, voilà comment ça s'est passé... réponse de la conseillère : « C'est pas possible, mais.... s'il vous a dit non, c'est que c'est non, que voulez-vous y faire ? »
Je lui ai dit « c'est tout ce que vous faites ? » et là, je me suis énervé, je me suis énervé, je lui ai dit « c'est pas normal ».


J'ai pris d'autres offres, toutes étaient pourvues quand je disais mon nom, alors Je suis allé voir Sud-Ouest, j'ai raconté mon histoire, ils ont fait un article.
Je voulais porter plainte, mais je ne savais pas à qui m'adresser, j'ai laissé tomber.


J'ai trouvé un mi-temps à trans-adapt, transport pour les personnes handicapées.


3 mois après au Forum à Bordeaux-lac, je croise Monsieur D, je me rappelle de son nom ! C'est lui qui recrutait pour la CGFTE, c'était un samedi matin à 9 h 00, j'étais en train de chercher un emploi. Je le vois, il était avec son fils, je l'interpelle, il me dit « vous êtes qui ? », je lui rappelle que je suis celui à qui il a dit que je n'avais pas le profil. Il s'est souvenu de moi, mais il s'est défilé en prétextant la présence de son fils.


Qu'est-ce que vous voulez y faire ?


6 mois après à trans-adapt, j'avais une collègue dans mon minibus, ça faisait 18 ans qu'elle était dans la boite et je vois qu'elle tape un gamin handicapé, je lui demande ce qui se passe, elle répond : "ne me saoule pas, roule !". J'ai roulé un peu et je me suis arrêté, je lui ai dit :" T'es folle, taper un handicapé", elle répond qu'il lui a mis un coup et que ça suffit, je lui ai dit que j'en parlerai au responsable, lui-même est handicapé. Je lui explique ce qui s'est passé et il me dit que ça arrive, qu'elle est là depuis 18 ans « qu'est-ce que vous voulez y faire ?». Je me suis étonné qu'elle ne soit pas sanctionnée. Une semaine après les ennuis ont commencé, on m'a changé de tournée, puis de véhicule...


Je suis allé à la DASS pour faire un signalement, on m'a dit vous avez des preuves !


J'ai fini par démissionner moi-même, j'ai laissé tomber ce domaine et je suis retourné à la menuiserie.
Si l'entreprise ou le chef cautionne la discrimination, c'est compliqué.


Anecdotique ? ou pas !


Viens Ali / je ne m'appelle pas Ali / oh, c'est pareil !


C'est humiliant que l'on ne fasse pas l'effort de prononcer votre prénom


Ça s'écrit comment ça ? Et « ça », c'est votre nom, et ça c'est dévalorisant, pas pour moi, pour mes parents déjà et pour moi après. Pour moi, c'est une humiliation « ça » parce qu'on veut pas faire d'effort... on dit c'est dur à écrire, mais mon nom s'écrit avec l'alphabet français pas arabe ou chinois.

 
Vous me dîtes de m'intégrer et vous faîtes tout pour me désintégrer.


On vous ferme la porte avant que vous frappiez
On vous ferme la porte et on vous dit vous êtes rentré sans frapper, ce n'est pas possible


C'est humiliant, surtout quand vous êtes avec vos parents
Faire face à la discrimination, c'est comme lutter contre un cancer, on prend ses médicaments et on y croit et plus on baisse les bras et plus le cancer, il prend la personne jusqu'au jour où elle pète les plombs.


Moi, je suis bien intégré, J'ai réfléchi sur moi. Je suis français couleur immigré

 

Omar